« Dans les années 2000, j’ai pris conscience de la montée d’un phénomène : celui de la défiance et de la déconnexion des habitants des quartiers populaires à l’égard des institutions. En France, nos politiques publiques sont pourtant une véritable chance. Comment expliquer que toute une frange de la population en soit comme coupée, en marge ? 
En 2010, avec cette conviction qu’il fallait recréer des ponts entre les habitants et les services publics, j’ai créé l’association VoisinMalin. Eux-mêmes issus du quartier, ces « voisins » interviennent en porte-à-porte auprès des résidents. Dans la neutralité et la confiance, ils transmettent des informations concrètes, claires et utiles au quotidien des gens. Soucieux de l’intégration de tous dans la société, ils réinjectent de l’envie et de la fluidité dans les démarches. »

« Les copropriétés catalysent bien souvent les inégalités sociales. Plus qu’ailleurs, des rapports de pouvoir se jouent et nuisent au climat général, par la diffusion de rumeurs notamment. La misère, entretenue entre autres par les marchands de sommeil, transparait dans ces grands ensembles. 
Le premier enjeu des Voisins Malins reste la mobilisation des habitants aux assemblées générales, espace stratégique de la prise de décision collective. A Grigny, en 2019, les équipes de l’association ont rassemblé les copropriétaires au moment crucial du Plan Initiative Copropriétés piloté par l’Anah. Réuni, ce quorum a pu voter des travaux d’urgence. Cet exemple m’est cher parce qu’il représente bien les « petites victoires » des Voisins Malins. Ici, les habitants, pour beaucoup en situation de renoncement, ont pris conscience de leur rôle et de leur légitimité à siéger. »

« Le vivre-ensemble quand le quotidien est infernal, ça n’est pas possible. Les Voisins Malins interviennent d’abord sur la salubrité et l’hygiène pour soulager les habitants de problèmes qui leur pourrissent littéralement la vie : les fuites d’eau, les cafards, les punaises de lit… Ils organisent aussi des campagnes de prévention, pour le bon usage des parties communes comme des équipements. Des choses simples, qui réunissent petit à petit les conditions de l’apaisement.
La sérénité passe aussi par la confiance qu’ils contribuent à redonner. Celles des résidents, sans différence entre locataires et propriétaires, mais aussi celle des Voisins Malins eux-mêmes. Au fil du temps, ils assument des responsabilités importantes et deviennent de vrais recours pérennes pour le quartier. »